Les voitures où la consommation réelle est sous-estimée par les constructeurs

Plusieurs véhicules affichent une consommation réelle bien supérieure aux données annoncées par les constructeurs automobiles. Voici notre analyse.

La consommation réelle des véhicules reste une source de désaccord entre usagers et constructeurs automobiles. Malgré l’entrée en vigueur de la norme WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicles Test Procedure) en 2019, de nombreux modèles affichent encore des écarts importants entre les chiffres officiels et la consommation constatée sur route. Ces différences peuvent atteindre 25 à 40 % selon les conditions de conduite, les motorisations ou les modes d’usage. Cela impacte non seulement le budget carburant, mais aussi les choix d’achat, les émissions de CO₂ et les politiques fiscales.

Contrairement à une idée reçue, ces écarts ne touchent pas seulement les anciens modèles homologués sous l’ancienne norme NEDC. Des voitures récentes, thermiques ou hybrides, présentent aussi des décalages notables. Certaines marques en particulier — allemandes, japonaises ou coréennes — sont régulièrement citées dans les tests indépendants comme AutoBild, L’Automobile Magazine ou l’ONG Transport & Environment.

L’objectif de cet article est d’identifier précisément les véhicules dont la consommation d’essence ou de diésel dépasse de manière systématique les chiffres officiels, et d’en analyser les causes. Nous verrons également les conséquences de ces écarts sur les utilisateurs, les assurances, les politiques publiques et la crédibilité des constructeurs automobiles sur le marché européen.

consommation de voiture

Un écart structurel entre consommation réelle et homologation WLTP

Des conditions de test trop optimistes

Le passage du cycle NEDC au WLTP devait corriger les écarts constatés entre les conditions de laboratoire et les réalités routières. Or, bien que le WLTP soit plus exigeant, la consommation réelle observée reste bien souvent supérieure aux valeurs affichées. En moyenne, selon une étude publiée par l’ICCT (International Council on Clean Transportation), l’écart entre la consommation réelle et les données WLTP est de 14 à 23 % en Europe.

Cette divergence résulte de plusieurs facteurs techniques :

  • Le cycle WLTP, bien que plus long et plus dynamique, reste standardisé, avec une température de test fixe de 23 °C, sans passagers ni bagages, sur un sol plat.
  • Il ne prend pas en compte les styles de conduite, la densité du trafic urbain, les variations d’altitude ou les usages typiques comme le chauffage, la climatisation ou les démarrages répétés.
  • Les versions testées sont souvent optimisées pour l’homologation : pneus à faible résistance, batterie pleinement chargée, masse réduite.

Ces écarts structurels nuisent à la transparence. L’acheteur base ses prévisions budgétaires sur une consommation d’essence annoncée à 6 L/100 km, mais enregistre 7,5 ou 8 litres dans un usage mixte réel. Sur un an, cela représente un surcoût de carburant de 250 à 350 euros, voire plus avec un prix moyen du litre d’essence à 1,80 euro en 2025.

Certains modèles hybrides sont encore plus pénalisés. Annoncés à 1,2 à 1,8 L/100 km, ils affichent en usage réel jusqu’à 5 à 6 litres/100 km une fois la batterie déchargée, notamment pour les SUV rechargeables.

Les véhicules essence les plus concernés par les écarts

Des écarts significatifs dès les citadines

Parmi les voitures à motorisation essence, plusieurs modèles récents enregistrent des écarts significatifs entre les données constructeurs et la consommation réelle.

Volkswagen Golf 1.5 TSI 150 ch DSG7
Annonce WLTP : 5,4 L/100 km
Consommation réelle : 7,3 à 7,6 L/100 km
Soit un écart moyen de +35 %. Cela s’explique par une gestion électronique favorisant les très bas régimes à vitesse constante, mais pénalisante en conduite urbaine ou en relief.

Peugeot 308 PureTech 130 ch EAT8
Annonce WLTP : 5,7 L/100 km
Consommation réelle : 7,5 à 8 L/100 km
Soit un écart moyen de +40 %, aggravé par la sensibilité du petit moteur 3 cylindres au chargement et au relief.

Renault Clio E-Tech 140 ch (hybride)
Annonce WLTP : 4,2 L/100 km
Consommation réelle : 6,1 à 6,5 L/100 km
Écart : +50 % sur long trajet sans assistance électrique constante.

Des modèles plus puissants affichent également des valeurs irréalistes :

BMW Série 3 320i BVA
WLTP : 6,0 L/100 km
Mesuré : 8,5 L/100 km, soit +41 %.

Le poids, l’aérodynamisme et la programmation des boîtes automatiques jouent un rôle clé. La consommation d’essence dépend fortement des accélérations, des reprises et du mode sport.

Ces écarts sont documentés dans des essais indépendants, y compris en France par L’Automobile Magazine, Auto Plus et UFC-Que Choisir, sur des cycles mixant autoroute, ville et départementales, sans surcharge ni conduite agressive.

Les hybrides rechargeables souvent loin des promesses

Une performance dégradée sans recharge fréquente

Les hybrides rechargeables (PHEV) sont les plus sujets à critique en matière de consommation réelle. Homologués à 1,2 à 2,0 L/100 km grâce à une autonomie électrique partielle, ils dépassent largement les 5 à 7 L/100 km une fois la batterie vide.

Exemples concrets :

Mercedes GLC 300e
Annonce constructeur : 1,3 L/100 km
Mesuré réel : 6,8 L/100 km, soit +420 %, sans recharge entre deux trajets.

Ford Kuga PHEV
WLTP : 1,4 L/100 km
Consommation réelle : 5,5 à 6,2 L/100 km

DS 7 E-Tense 225 ch
Annonce : 1,6 L/100 km
Mesuré : 5,8 L/100 km
L’autonomie électrique réelle dépasse rarement 40 km, au lieu des 55 annoncés.

Ces écarts viennent d’une mauvaise intégration des scénarios d’usage. En ville, les PHEV performants peuvent rouler 25 à 35 km sans carburant. Mais sur autoroute, ou sans recharge régulière, le poids supplémentaire (300 à 400 kg) et la complexité du système augmentent fortement la consommation d’essence.

Certains conducteurs n’ont pas accès à une borne de recharge quotidienne. Ils roulent alors comme avec une essence classique… mais plus lourde. Cela remet en cause la rentabilité énergétique et financière de ces modèles. L’économie théorique ne tient que si l’usage est optimisé. Sinon, elle se transforme en surcoût permanent.

consommation de voiture

Le diesel et les SUV lourds restent pénalisés en réel

Des écarts importants sur les grands formats

Les SUV diésel conservent un certain intérêt sur autoroute, mais affichent aussi des écarts notables entre annonces et réalité.

Audi Q5 40 TDI quattro S tronic
WLTP : 5,8 L/100 km
Mesuré : 7,5 à 8 L/100 km
Soit une différence de +30 à 38 %.

Toyota RAV4 Hybride AWD-i
WLTP : 5,7 L/100 km
Consommation réelle : 7,2 L/100 km

Hyundai Tucson 1.6 CRDi 136 DCT-7
Annonce : 5,2 L/100 km
Consommation réelle : 6,9 à 7,3 L/100 km

Ces modèles cumulent plusieurs handicaps : garde au sol élevée, aérodynamisme médiocre, poids supérieur à 1 600 kg à vide, souvent associés à quatre roues motrices, ce qui aggrave les pertes mécaniques.

Le mode de conduite influe également. Un SUV utilisé en ville, pour des trajets courts, avec arrêts fréquents, présente une consommation de diésel dégradée, bien loin des standards WLTP.

Enfin, les systèmes de post-traitement des gaz (FAP, AdBlue, EGR) peuvent ajouter une consommation indirecte, souvent négligée par les acheteurs, mais intégrée dans les calculs d’usage réel sur le long terme.

Réflexions sur la crédibilité des chiffres constructeurs

Entre marketing et réglementation

Les constructeurs automobiles utilisent encore les chiffres WLTP comme argument de vente, alors que ceux-ci ne correspondent pas à une consommation réelle standard. Cela crée une asymétrie d’information pour le consommateur.

Plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une double étiquette : homologation + consommation moyenne vérifiée en usage réel par des laboratoires indépendants. L’ONG Transport & Environment, l’ADAC et l’ICCT militent pour cette transparence accrue.

Le débat est aussi fiscal. De nombreux pays indexent encore le malus écologique sur des chiffres constructeurs. Cela permet à certains modèles — notamment hybrides rechargeables — de bénéficier de bonus CO₂ artificiels, alors que leur consommation réelle reste élevée.

À moyen terme, une révision des critères réglementaires paraît inévitable, pour aligner les pratiques commerciales avec les réalités d’usage. Les constructeurs devraient fournir des données plus complètes, intégrant le comportement énergétique sur cycle long, trajets mixtes, poids réel et variabilité des parcours.

LES PLUS BELLES VOITURES, votre magazine voiture en toute indépendance.