Le retard face à la Chine dans les véhicules à hydrogène s’accentue
La Chine mène dans les véhicules à hydrogène. Toyota presse d’investir dans l’infrastructure et la production pour rivaliser. La Chine domine le marché des véhicules à hydrogène, notamment les camions et bus. Toyota alerte sur l’urgence d’investir dans l’infrastructure et la production pour contrer cette avance. Découvrez les enjeux et solutions.
L’urgence d’agir face à la domination chinoise
La Chine s’impose comme le leader mondial des véhicules à hydrogène, en particulier dans le segment des camions et bus à pile à combustible (FCEV). En 2024, elle a vendu 7 069 unités, surpassant la totalité des ventes mondiales combinées, selon Interact Analysis. Toyota, pionnier de cette technologie avec plus de 30 ans de recherche, alerte sur le risque de perdre la course face à Pékin. Mitsumasa Yamagata, responsable de la division hydrogène de Toyota, insiste : sans investissements massifs et rapides dans la production et les infrastructures, l’industrie mondiale pourrait être éclipsée par la Chine.

Pourquoi la Chine domine-t-elle ?
La Chine bénéficie d’une stratégie gouvernementale audacieuse. Depuis 2020, le gouvernement a transformé des axes logistiques majeurs en « autoroutes de l’hydrogène ». Par exemple, une route de 1 150 km reliant Chongqing à Qinzhou a été inaugurée en 2024, dédiée aux camions à hydrogène. Cette initiative s’accompagne d’une expansion rapide des stations de ravitaillement : fin 2023, la Chine comptait 424 stations, contre 109 au Japon. Le coût de l’hydrogène est également un atout. En Chine, il oscille entre 3,50 et 7 dollars par kilogramme, contre 14 dollars au Japon, en partie grâce à la production d’hydrogène comme sous-produit de l’industrie sidérurgique.
Les piles à combustible : une solution pour le transport lourd
Les piles à combustible génèrent de l’électricité par une réaction chimique entre l’hydrogène et l’oxygène, n’émettant que de la vapeur d’eau. Cette technologie est particulièrement adaptée aux véhicules commerciaux lourds, comme les camions et bus, où les batteries électriques sont limitées par leur poids et leur temps de recharge. Un camion à hydrogène peut parcourir 500 à 800 km avec un plein, rechargé en 10 à 20 minutes, contre plusieurs heures pour un camion électrique à batterie. En 2024, les ventes chinoises de bus et camions à hydrogène ont représenté 58 % des 238 000 véhicules à énergie nouvelle vendus, selon Hydrogen Industry Leaders.
Les défis techniques et économiques
Le coût élevé de l’hydrogène vert
Produire de l’hydrogène « vert » par électrolyse à partir d’énergies renouvelables reste coûteux. En 2024, le prix mondial moyen de l’hydrogène vert est d’environ 5 à 8 dollars par kilogramme, contre 1 à 2 dollars pour l’hydrogène gris (issu du gaz naturel). La Chine compense en utilisant de l’hydrogène issu de procédés industriels, mais cela compromet la neutralité carbone. Pour réduire les coûts, des investissements dans des électrolyseurs à grande échelle et des énergies renouvelables sont nécessaires.
Une infrastructure insuffisante
Le manque de stations de ravitaillement freine l’adoption des FCEV. En Europe, seulement 152 stations étaient opérationnelles fin 2023, contre 273 en Asie. Construire une station coûte environ 600 000 à 1 million d’euros, un investissement lourd pour un marché encore naissant. Toyota propose une solution : cibler les flottes captives, comme les bus urbains ou les camions sur des itinéraires fixes, pour optimiser l’utilisation des stations.
La concurrence des batteries électriques
Les véhicules à batterie (BEV) dominent le marché des véhicules zéro émission. En 2024, les ventes de camions et bus électriques en Chine ont doublé, atteignant 230 000 unités, selon l’International Council on Clean Transportation. Les BEV bénéficient d’une infrastructure de recharge plus développée et de coûts d’exploitation inférieurs. Cependant, pour les longues distances, les FCEV restent plus pratiques, car les batteries alourdissent les véhicules et réduisent la capacité de charge utile.
Les initiatives de Toyota pour rester compétitif
Une technologie éprouvée
Toyota a vendu 28 000 Mirai depuis 2014, mais face à la montée des BEV, l’entreprise recentre ses efforts sur les véhicules commerciaux. En 2024, Toyota a dévoilé sa troisième génération de pile à combustible, équivalente en durabilité à un moteur diesel et plus compacte, facilitant son intégration dans les camions et bus. Cette innovation réduit les coûts de production de 20 % par rapport à la génération précédente.
Partenariats stratégiques en Chine
Pour contrer la concurrence, Toyota s’appuie sur des coentreprises locales. En 2023, une usine ouverte à Pékin avec SinoHytec peut produire 10 000 systèmes de piles à combustible par an. Cette stratégie permet à Toyota de s’adapter au marché chinois, qu’elle considère comme un terrain d’expérimentation avant un déploiement mondial. « La Chine est un dojo où nous affinons nos produits », déclare Yamagata.

Conseils pratiques pour les acteurs du secteur
Pour les gouvernements
Subventionner l’infrastructure : Investir dans des stations de ravitaillement le long des corridors logistiques majeurs, comme le modèle chinois.
Soutenir la production verte : Financer des projets d’électrolyse pour réduire le coût de l’hydrogène renouvelable.
Coordonner les efforts : Créer des partenariats public-privé pour harmoniser les normes et accélérer le déploiement.
Pour les entreprises
Cibler les flottes captives : Déployer des FCEV pour des applications comme les bus urbains ou les camions de livraison sur des itinéraires prédéfinis.
Collaborer avec des acteurs locaux : S’associer à des entreprises chinoises pour bénéficier de leur expertise et de leur accès au marché.
Investir dans la R&D : Développer des piles à combustible plus durables et moins coûteuses pour concurrencer les BEV.
Perspectives mondiales
L’avenir des FCEV dépend de la capacité des pays à combler leur retard sur la Chine. Au Japon, les plans pour des autoroutes à hydrogène avancent lentement, avec seulement 40 % des 160 stations prévues en 2020 construites à ce jour. Aux États-Unis, les subventions pour l’hydrogène risquent d’être réduites sous l’administration Trump. En Europe, l’objectif de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030 est jugé irréaliste par les auditeurs de l’UE. Malgré ces défis, des acteurs comme Hyundai et BMW continuent d’investir, convaincus que l’hydrogène jouera un rôle clé dans la décarbonation des transports lourds.
Une course contre la montre
La domination chinoise dans les véhicules à hydrogène n’est pas irréversible, mais le temps presse. Les gouvernements et les entreprises doivent agir rapidement pour développer des infrastructures, réduire les coûts de production et promouvoir les FCEV comme alternative viable aux BEV. Toyota, avec son expertise et ses partenariats, reste un acteur majeur, mais la concurrence s’intensifie. Sans une mobilisation globale, la Chine risque de consolider son avance, redessinant l’avenir du transport décarboné.
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