Lotus suspend la fermeture de son usine britannique grâce à Londres
Lotus maintient sa production au Royaume-Uni après un signal de soutien gouvernemental, malgré des pertes et une chute de la demande mondiale.
Lotus, propriété du groupe chinois Geely, a suspendu son projet de fermeture de l’usine de Hethel au Royaume-Uni, à la suite d’un signal de soutien politique émis par le gouvernement britannique. Alors que 1 300 postes étaient menacés, le constructeur a confirmé maintenir ses opérations au Royaume-Uni. La décision fait suite à des échanges entre Lotus, Geely et le secrétaire d’État aux affaires Jonathan Reynolds, dans un contexte de baisse des ventes, stocks excédentaires, et difficultés de trésorerie. Le gouvernement promet une aide au secteur, incluant 2,5 milliards de livres sterling pour soutenir la recherche, l’investissement et la compétitivité. Cependant, Lotus doit encore affronter une perte d’exploitation de 103 millions de dollars, une production en baisse de 42 %, et la montée en puissance de son usine de Wuhan, capable de produire 15 fois plus de véhicules que Hethel. Le risque de délocalisation vers les États-Unis reste donc d’actualité.
Un risque de fermeture brutal évité de justesse à Hethel
La situation a basculé brutalement à la mi-juin : selon le Financial Times, Lotus prévoyait d’arrêter la production sur son site historique de Hethel, dans le comté de Norfolk, fondé en 1966. Cette décision aurait entraîné la suppression de 1 300 emplois, affectant directement le tissu industriel local.
La réaction a été immédiate : le gouvernement britannique, informé par voie de presse, a contacté en urgence les directions de Lotus et Geely. Le secrétaire d’État aux affaires, Jonathan Reynolds, s’est entretenu avec la direction dès le dimanche suivant. La déclaration officielle de Lotus, diffusée peu après, indiquait qu’il n’y avait “aucun projet de fermeture”, réaffirmant la continuité des opérations.
Ce revirement stratégique témoigne d’un manque de clarté en interne chez Lotus et d’une absence de coordination entre sa direction opérationnelle et ses actionnaires chinois. L’impact d’une fermeture aurait été lourd pour l’industrie automobile britannique, déjà fragilisée par les départs de Honda et Ford ces dernières années.
Une aide gouvernementale cruciale mais encore floue
L’intervention rapide de Jonathan Reynolds s’inscrit dans le cadre de la stratégie industrielle du gouvernement travailliste, récemment présentée par le Premier ministre Keir Starmer. Cette stratégie prévoit :
- Une réduction des coûts énergétiques pour les secteurs industriels,
- Un financement public de 2,5 milliards de livres sterling (environ 2,95 milliards d’euros) dédié à l’automobile et à la recherche,
- Une volonté de relocaliser la valeur ajoutée industrielle au Royaume-Uni.
Ces mesures visent à freiner la désindustrialisation et à contrer les effets des politiques commerciales américaines et chinoises. Toutefois, le soutien à Lotus reste non contractuel à ce stade. Aucune aide directe n’a été officiellement annoncée, et Geely s’est refusé à tout commentaire.
La stratégie gouvernementale vise donc à gagner du temps pour éviter une fermeture immédiate, mais ne garantit pas une pérennisation de l’outil industriel britannique à moyen terme. Lotus reste en surcapacité avec deux usines – Hethel au Royaume-Uni et Wuhan en Chine – dont les niveaux de productivité sont difficilement comparables.

Une baisse des ventes critique et une situation financière tendue
Lotus souffre actuellement d’une chute importante de la demande. Sur le deuxième trimestre 2025, Lotus Technology a livré 1 274 véhicules, soit une baisse de 42 % par rapport à la même période en 2024. Cette dégradation affecte directement les flux de trésorerie et l’équilibre de ses opérations industrielles.
Le déficit d’exploitation reste élevé : 103 millions de dollars (environ 95 millions d’euros) sur trois mois, bien qu’en baisse par rapport aux 233 millions de dollars enregistrés l’année précédente. Cela traduit un ralentissement des pertes, mais la rentabilité reste hors de portée à court terme.
La production est aujourd’hui partagée entre :
- Hethel, avec une capacité annuelle de 10 000 véhicules,
- Wuhan, propriété de Geely, capable de produire 150 000 véhicules par an.
L’écart de performance entre les deux usines souligne la fragilité industrielle du site britannique, malgré son statut historique. Dans les faits, Wuhan pourrait absorber la totalité de la production mondiale de Lotus, ce qui pose la question de la pertinence économique de maintenir Hethel.
Des tensions internes et des départs qui fragilisent l’organisation
La situation actuelle de Lotus est aggravée par des départs en chaîne dans les rangs de la direction, notamment :
- Dan Balmer, ancien directeur Europe,
- Mike Johnstone, directeur commercial.
Ces départs traduisent des tensions internes liées aux choix stratégiques, mais aussi à la perte d’autonomie du siège britannique face à la direction centralisée en Chine. Le PDG de Lotus Technology, Feng Qingfeng, aurait demandé à ses cadres de préparer un plan de retrait industriel du Royaume-Uni, au profit d’une relocalisation de la production vers les États-Unis.
Cette hypothèse s’appuie sur les nouvelles taxes américaines sur les véhicules chinois, qui compliquent l’exportation depuis Wuhan. Lotus a suspendu les livraisons de son modèle Emira vers les États-Unis et arrêté temporairement la production à Hethel à partir de la mi-mai 2025, pour gérer les stocks excédentaires.
Ces tensions pèsent sur les relations entre actionnaires, et sur la capacité de Lotus à définir une stratégie cohérente. La communication publique changeante, les fuites dans la presse, et l’intervention politique d’urgence confirment l’existence de désaccords profonds en interne.
Une délocalisation vers les États-Unis en réflexion active
L’option d’un transfert de production vers les États-Unis est de plus en plus évoquée dans les échanges entre Geely, Lotus Technology, et certains investisseurs. Cette stratégie permettrait de contourner les droits de douane américains sur les véhicules chinois et de rapprocher la production du principal marché d’exportation.
Plusieurs éléments confortent cette hypothèse :
- Le marché américain représente une part croissante des ventes de Lotus,
- Les usines aux États-Unis bénéficient de subventions publiques via l’Inflation Reduction Act,
- Le coût logistique est réduit par rapport à une production en Europe ou en Chine.
Un tel déplacement impliquerait cependant :
- Une fermeture progressive de Hethel,
- Un plan social massif pour les salariés britanniques,
- Une perte de compétences industrielles spécifiques développées depuis plus de 50 ans au Royaume-Uni.
La décision finale n’a pas été officialisée, mais la pression combinée des résultats, des taxes, et des coûts de production plaide en faveur d’un scénario américain, sauf retournement stratégique. Le soutien politique de Londres pourrait retarder cette transition, mais il semble insuffisant pour l’empêcher durablement.
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