Lamborghini reporte l’Urus électrique à 2035

Lamborghini décale à 2035 le lancement de l’Urus électrique, préférant une version hybride de plus de 800 ch face à l’incertitude du marché VE.

Le 8 juillet 2025, Lamborghini a confirmé le report de la Lamborghini Urus électrique à 2035, une décision qui traduit un repositionnement stratégique face à l’instabilité de la demande sur le segment des véhicules 100 % électriques. Ce choix s’accompagne d’une annonce technique : une version restylée de l’Urus actuelle, intégrant une motorisation hybride dépassant les 800 chevaux, sera commercialisée dans les prochaines années.

Cette décision intervient dans un contexte où de nombreux constructeurs du segment haut de gamme ajustent leur calendrier d’électrification. Les incertitudes réglementaires, la lenteur de déploiement des infrastructures de recharge, le ralentissement des ventes de VE en 2024 et 2025 et la difficulté à garantir des marges élevées sur les modèles électriques hautes performances conduisent certaines marques à freiner l’électrification totale de leur gamme.

Avec ce report, Lamborghini suit une logique pragmatique. Plutôt que d’imposer un modèle risqué dans un marché incertain, la marque de Sant’Agata Bolognese choisit de capitaliser sur une base technique maîtrisée, en renforçant l’attrait de l’Urus thermique-hybride. Ce choix confirme aussi une tendance plus large chez les constructeurs sportifs européens, qui cherchent à prolonger l’exploitation des motorisations thermiques tout en réduisant progressivement les émissions. L’Urus électrique est reportée, mais la stratégie de transition progressive s’affirme comme le modèle dominant du secteur.

Lamborghini Urus

Une décision stratégique révélatrice d’un virage industriel

L’annonce du report de la Lamborghini Urus électrique à 2035 n’est pas anodine. Elle révèle une réévaluation complète du calendrier produit par les dirigeants du groupe Volkswagen, auquel appartient la marque. Initialement prévue pour 2029, la version 100 % électrique du SUV devait incarner la mutation énergétique de Lamborghini. Ce report de six ans marque un changement de cap net.

En choisissant 2035, la marque place son objectif à la limite fixée par la réglementation européenne actuelle, qui prévoit la fin de la commercialisation des véhicules thermiques neufs à cette date. Cela laisse penser que la version électrique de l’Urus pourrait arriver uniquement pour des raisons de conformité réglementaire, et non par conviction industrielle ou commerciale.

Ce repositionnement reflète un contexte global défavorable. Le marché mondial des véhicules électriques a connu un ralentissement notable en 2024 et 2025, après des années de croissance rapide. Aux États-Unis, les ventes de VE ont progressé de seulement 2,8 % au premier semestre 2025, contre plus de 10 % en 2022. En Europe, la stagnation est encore plus nette : moins de 1 % de croissance au premier trimestre 2025, selon l’ACEA.

Les raisons sont multiples : infrastructure de recharge insuffisante, coûts d’achat toujours élevés, autonomie perçue comme insuffisante sur les véhicules lourds, mais aussi réticence d’une partie de la clientèle haut de gamme face à l’expérience utilisateur électrique. Dans ce contexte, commercialiser un SUV de 2,2 tonnes à batterie unique, sans garantie de rentabilité, présente un risque commercial important.

La Lamborghini Urus représente aujourd’hui plus de 50 % des ventes mondiales de la marque. Elle constitue un pilier économique stratégique. Tout changement technique ou esthétique mal accueilli aurait un impact immédiat sur la rentabilité. En décalant l’échéance électrique à 2035, le constructeur s’offre du temps pour adapter sa technologie, tester le marché et préserver ses marges.

Une version hybride musclée pour maintenir la dynamique commerciale

En parallèle du report de la Lamborghini Urus électrique, la marque italienne a confirmé une nouvelle version restylée de l’Urus actuelle, attendue avant 2027. Cette version intégrera une motorisation hybride rechargeable, combinant un moteur thermique V8 et un moteur électrique, pour une puissance totale dépassant les 800 chevaux.

Ce choix technique n’est pas anodin. Il permet à Lamborghini de respecter les seuils européens d’émissions, tout en conservant les performances exigées par la clientèle historique. L’hybridation partielle permet aussi d’améliorer l’efficience à faible vitesse ou en usage urbain, tout en maintenant un comportement dynamique agressif sur autoroute ou circuit.

La base utilisée sera celle du moteur V8 biturbo 4.0 litres déjà employé dans le groupe Volkswagen, notamment sur le Porsche Cayenne Turbo E-Hybrid. Ce bloc, associé à un moteur électrique de 130 kW (environ 177 chevaux), permettrait une autonomie électrique de jusqu’à 50 kilomètres en cycle WLTP, soit environ 35 km en conditions réelles.

Avec un poids total attendu de plus de 2 300 kg, cette Urus hybride ne vise pas l’économie de carburant mais bien un compromis entre image sportive et compliance environnementale. La consommation combinée devrait rester supérieure à 10 L/100 km, mais avec des émissions de CO₂ réduites sous les 200 g/km, ce qui permet d’éviter les pénalités fiscales dans plusieurs pays européens.

Le prix d’entrée de cette version hybride pourrait dépasser 250 000 euros en Europe, contre 215 000 euros pour l’Urus S thermique actuelle. Cela place le modèle au même niveau tarifaire que ses concurrents directs comme le Ferrari Purosangue ou le Aston Martin DBX707, eux aussi partiellement hybrides.

Ce choix permet aussi à Lamborghini de sécuriser ses marges. En vendant une version plus puissante, mieux équipée, et écologiquement plus acceptable, la marque peut justifier un tarif en hausse tout en répondant aux exigences réglementaires.

Lamborghini Urus

Une tendance sectorielle à la prudence face à l’électrique

Le report de la Lamborghini Urus électrique ne constitue pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une tendance plus large observée dans le segment des constructeurs hautes performances. Plusieurs marques, y compris Ferrari, Aston Martin ou McLaren, ont également ralenti leurs plans d’électrification totale.

En juin 2025, Ferrari a déclaré qu’elle poursuivrait l’hybridation de sa gamme au-delà de 2030 et ne présenterait son premier modèle entièrement électrique qu’en 2026, sans calendrier précis pour le reste de sa production. McLaren, confrontée à des problèmes de poids et de refroidissement sur ses prototypes électriques, a reporté sine die son projet EV.

Même Porsche, pourtant plus avancé technologiquement, a revu à la baisse ses objectifs de vente de Taycan, et privilégie désormais le développement de versions hybrides performantes du Macan et du Cayenne.

Le ralentissement touche également les segments de niche. Le marché du SUV électrique de luxe, bien qu’annoncé comme porteur, souffre d’une acceptabilité limitée : poids élevé, autonomie limitée, recharge longue, prix supérieur à 180 000 euros pour des performances inférieures aux versions thermiques. Cette incohérence technique et commerciale freine l’adoption.

Les groupes automobiles revoient donc leurs priorités : plutôt que d’imposer des technologies partiellement prêtes, ils préfèrent investir dans l’optimisation des hybrides et prolonger l’exploitation des plateformes thermiques éprouvées. Cela leur permet de respecter les réglementations, maintenir leurs marges, et tester l’appétence réelle du marché sans prendre de risques financiers majeurs.

Une échéance à 2035 qui interroge sur la cohérence réglementaire

Fixer la Lamborghini Urus électrique à 2035 soulève une interrogation sur la cohérence entre les stratégies industrielles et les réglementations européennes. L’objectif affiché de Bruxelles reste l’interdiction des véhicules thermiques neufs à partir de cette date. Mais cette échéance pourrait encore évoluer.

Déjà en 2023, des discussions avaient lieu pour introduire des exceptions pour les véhicules à carburants synthétiques. En 2024, plusieurs États membres, dont l’Allemagne et l’Italie, ont réclamé une flexibilité sur les véhicules à faibles volumes de production. Ces discussions laissent planer une incertitude sur la réelle applicabilité du calendrier actuel.

Dans ce contexte, fixer le lancement de l’Urus EV à 2035 revient à parier sur un assouplissement des règles ou à préparer un produit de conformité purement réglementaire, sans ambition commerciale forte.

D’ici là, Lamborghini continuera probablement à investir dans des technologies hybrides, à développer des carburants alternatifs avec ses partenaires du groupe Volkswagen, et à attendre une maturité plus claire du marché électrique haut de gamme.

Cela pose une question stratégique : l’industrie peut-elle continuer à fonctionner selon une logique défensive, en repoussant ses engagements technologiques jusqu’à la dernière minute ? Ou faudra-t-il, à terme, accepter un changement structurel de l’offre, même au prix d’une transition complexe ?

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