Le marché du luxe automobile progresse fortement en Espagne

En mai 2025, le marché auto espagnol a bondi de 18,5 %, porté par la croissance marquée des ventes de véhicules de luxe comme Ferrari et Bentley.

Une dynamique inattendue dans un climat économique incertain

Le mois de mai 2025 a été marqué par une progression inattendue du marché automobile espagnol, avec 112 833 immatriculations enregistrées, soit une hausse de 18,5 % par rapport à mai 2024. Ce chiffre s’inscrit dans une tendance générale de redressement, mais cache une réalité plus précise : la demande pour les véhicules haut de gamme connaît une accélération plus soutenue que celle du marché général.

Alors que l’inflation en Espagne reste supérieure à 3 % et que le coût moyen du crédit automobile ne cesse de croître, cette performance interroge. Elle illustre un désalignement net entre la réalité macroéconomique et les choix de consommation d’une partie de la population. Le segment des véhicules de luxe échappe, pour l’instant, aux contraintes qui pèsent sur les gammes inférieures. Le profil des acheteurs a évolué. Il s’agit de clients fortunés, peu sensibles aux taux d’intérêt, qui voient dans l’achat d’un véhicule prestigieux une forme de placement, voire une anticipation sur une fiscalité future plus stricte.

L’Espagne reste un marché à taille moyenne à l’échelle européenne, mais ses poches de consommation haut de gamme sont bien identifiées : Barcelone, Madrid, Valence, Marbella, Bilbao. Dans ces zones, les concessions spécialisées Bentley, Ferrari ou Porsche enregistrent des hausses à deux chiffres, bien supérieures à la moyenne nationale. Cela montre que le luxe automobile n’est pas simplement une réponse à un besoin de mobilité, mais bien une démonstration de statut, renforcée par la rareté perçue des produits et leur capacité à maintenir leur valeur dans le temps.

Une demande qui bénéficie aux marques les plus exclusives

Bentley, Ferrari et Lamborghini en forte progression

En mai 2025, Ferrari a vu ses immatriculations croître de 41 % par rapport au même mois l’année précédente, atteignant 112 unités livrées sur le seul territoire espagnol. Bentley suit avec une hausse de 38 %, soit 96 immatriculations pour le mois. Lamborghini, de son côté, a enregistré une progression de 29 %, portée notamment par la demande stable pour l’Urus et l’arrivée du Revuelto, remplaçant de l’Aventador.

Ces volumes restent modestes en absolu, mais ils traduisent un dynamisme supérieur à celui observé sur d’autres marchés comparables comme l’Italie ou la Belgique. Le contexte espagnol, où l’impôt sur le luxe reste plus souple que dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest, favorise l’achat de voitures de prestige par des acheteurs locaux et étrangers. Dans plusieurs régions côtières, les ventes sont majoritairement alimentées par des résidents fiscaux venus d’Allemagne, du Royaume-Uni ou des Émirats.

Le prix moyen de transaction pour un véhicule dans ce segment dépasse les 250 000 €, selon les données internes des distributeurs. Ce tarif ne tient pas compte des options, souvent facturées entre 20 000 et 60 000 €, notamment pour les finitions personnalisées et les packs de performance. Certains modèles, comme la Ferrari 296 GTS ou la Bentley Flying Spur Speed, dépassent fréquemment les 300 000 € en configuration livrée.

Une stabilité étonnante malgré des livraisons allongées

Les délais de livraison s’étendent souvent entre 10 et 18 mois, en raison de la forte demande internationale et de la nature artisanale de la production. Ce phénomène n’a pas freiné les acheteurs espagnols, qui anticipent ces retards. Au contraire, la rareté induite par ces délais semble renforcer la valeur perçue. Le caractère d’attente devient un élément marketing implicite : il crédibilise la qualité du produit et valide son exclusivité.

Dans les faits, les marques gèrent cette tension en privilégiant leurs clients historiques ou les acheteurs possédant déjà un véhicule de la marque. Cela verrouille en partie le marché et réduit la spéculation sur le court terme. En parallèle, le marché secondaire du luxe automobile reste très actif, avec des modèles récents affichés à des prix supérieurs à ceux du neuf, particulièrement sur les plateformes de vente entre particuliers ou les concessionnaires multimarques.

Le marché du luxe automobile progresse fortement en Espagne

Un segment qui évolue vers des critères non traditionnels

Un impact limité des motorisations alternatives

Contrairement au reste du marché espagnol, où les véhicules électriques progressent rapidement (24 % de part de marché sur le mois de mai 2025), le segment du luxe reste dominé par les motorisations thermiques, notamment les V8 et V12. Les modèles hybrides rechargeables commencent à prendre pied, mais plus pour des raisons réglementaires que par préférence client. La Ferrari SF90 Stradale ou le Bentley Bentayga Hybrid sont achetés pour éviter certaines taxes d’immatriculation ou accéder aux zones à faibles émissions, mais pas pour des considérations écologiques.

L’électrification des gammes haut de gamme progresse à un rythme volontairement lent. Rolls-Royce, avec la Spectre, propose une offre électrique intégrale, mais les volumes restent limités. De nombreux acheteurs redoutent encore les contraintes d’autonomie, la valeur de revente incertaine et l’absence de sonorité moteur, souvent considérée comme partie intégrante de l’expérience haut de gamme.

Une montée en puissance des préférences liées au design intérieur

Les acheteurs du segment luxe attachent aujourd’hui une importance croissante à l’expérience à bord. Le choix des matériaux, des parfums intégrés, du traitement acoustique ou du système d’éclairage ambiant devient un critère décisif. Le véhicule est perçu comme un espace privé mobile, parfois plus raffiné qu’un salon résidentiel. Bentley propose, par exemple, des habillages bois avec marqueterie complexe, des inserts en pierre naturelle et des configurations lumineuses variables en fonction de l’heure de la journée.

Cette recherche de personnalisation esthétique explique pourquoi près de 80 % des véhicules livrés en mai 2025 en Espagne dans ce segment ont été commandés avec des options spécifiques, contre moins de 35 % dans les segments généralistes. La fabrication est donc plus lente, mais le produit livré est plus conforme aux attentes individuelles, ce qui augmente le taux de satisfaction et réduit le turnover client.

Une croissance fragile, dépendante de facteurs structurels

Un effet de rattrapage post-pandémie et une fiscalité incitative

La croissance actuelle du segment luxe en Espagne ne peut pas être analysée sans prendre en compte le faible niveau d’immatriculations enregistré entre 2020 et 2022. Il s’agit en partie d’un effet de rattrapage, combiné à une fiscalité relativement favorable. L’absence de taxe spécifique sur les véhicules de grand luxe, hormis la TVA et l’impôt sur la première immatriculation, permet à l’Espagne d’attirer une clientèle étrangère qui vient y enregistrer ses voitures en résidence secondaire.

Le coût d’acquisition en Espagne est souvent inférieur de 5 à 10 % par rapport à la France ou à l’Allemagne, une différence amplifiée lorsque l’on inclut l’assurance, la fiscalité locale ou les droits d’homologation. Cela favorise l’enregistrement de véhicules haut de gamme sur le territoire, même si leur usage quotidien a lieu ailleurs.

Une volatilité à anticiper si le crédit se durcit

Si le contexte économique venait à se tendre davantage, notamment sur le crédit ou la fiscalité, la croissance actuelle pourrait être fortement ralentie. Une hausse brutale des taux directeurs de la Banque centrale européenne, couplée à une baisse de confiance des ménages aisés, pourrait affecter ce segment, dont le volume reste marginal mais hautement médiatisé.

Enfin, la pression environnementale sur les voitures thermiques de luxe pourrait s’intensifier d’ici 2026, avec de nouveaux standards européens en discussion. Si l’accès aux zones urbaines était fortement restreint ou si la fiscalité sur les émissions de CO₂ augmentait, certains acheteurs pourraient se détourner de ce type de véhicule ou privilégier le marché de l’occasion non immatriculé localement.

LES PLUS BELLES VOITURES, votre magazine voiture en toute indépendance.