L’Europe, le cleantech et l’absence d’ambition

Analyse des politiques financières chinoises qui soutiennent les véhicules électriques (VE) et cleantech, et des faiblesses européennes en matière d’innovation et d’infrastructure.

La Chine domine l’industrie des technologies vertes et des véhicules électriques (VE) grâce à des politiques financières et industrielles stratégiques. Elle investit dans des programmes ciblés, des infrastructures de recharge nationales et un soutien étendu via des banques publiques et des capitaux-risque. En comparaison, l’Europe, malgré ses ressources financières, manque de coordination et de stratégies audacieuses pour soutenir son industrie. Sans action rapide, l’Europe risque de perdre son rôle de leader dans la transition écologique et de voir son industrie automobile décliner davantage.

La politique monétaire ciblée de la Chine : un levier clef pour le cleantech

Depuis plus de dix ans, la Banque populaire de Chine utilise des programmes financiers spécifiques pour réduire les coûts d’emprunt des entreprises du secteur cleantech, notamment celles de la chaîne de valeur des VE. Ces programmes offrent des taux d’intérêt avantageux, favorisant le développement rapide de nouvelles technologies et leur déploiement à grande échelle.

En revanche, la Banque centrale européenne (BCE) a été beaucoup plus prudente. En 2022, elle a brièvement expérimenté des prêts verts, mais cette initiative n’a pas été maintenue. Cette hésitation contraste avec l’approche proactive de la Chine et limite la capacité de l’Europe à aligner sa politique monétaire avec ses objectifs industriels et climatiques.

Données concrètes :

  • En 2021, la Chine a investi environ 72 milliards d’euros dans les technologies propres, soit près de 60 % de plus que l’Europe.
  • Les taux d’intérêt pour les prêts ciblés en Chine peuvent descendre en dessous de 3 %, contre des taux standards souvent supérieurs à 5 % en Europe.

Sans mécanismes similaires, les entreprises européennes peinent à rivaliser avec les coûts de production chinois, réduisant leur compétitivité sur les marchés mondiaux.

L’infrastructure de recharge en Chine : un modèle de coordination étatique

La Chine a pris une décision stratégique en développant une infrastructure de recharge massive et centralisée. En 2023, le pays disposait de 5,8 millions de bornes de recharge, soit près de 70 % des installations mondiales. Ce réseau dense favorise l’adoption des VE et renforce leur accessibilité pour les consommateurs.

En Europe, la stratégie a été laissée aux forces du marché, ce qui a conduit à des disparités importantes. Par exemple, l’Allemagne, le principal marché automobile européen, compte environ 90 000 bornes, soit près de 65 fois moins que la Chine, malgré une population quatre fois inférieure.

Conséquences :

  • Une infrastructure inadéquate freine les ventes de VE en Europe, où seuls 15 % des nouvelles immatriculations en 2022 concernaient des véhicules électriques, contre 28 % en Chine.
  • L’absence de bornes en zones rurales limite l’accès des consommateurs et ralentit la transition écologique.

L’Europe dispose des ressources financières nécessaires pour rattraper ce retard, mais manque de coordination entre les États membres pour développer un réseau homogène et efficace.

L'Europe, le cleantech et l'absence d'ambition

L’importance des financements publics et des capitaux-risque

La Chine s’appuie sur un écosystème de financement intégré. Les banques publiques, les fonds gouvernementaux et les capitaux-risque sont mobilisés pour soutenir l’ensemble de la chaîne de valeur des VE, de la recherche aux ventes. En 2022, plus de 45 milliards d’euros ont été investis par ces institutions dans le secteur.

En Europe, les banques publiques comme la Banque européenne d’investissement (BEI) pourraient jouer un rôle similaire, mais leur implication reste limitée. Plutôt que de favoriser les projets à forte intensité technologique, elles privilégient des approches plus traditionnelles.

Chiffres-clés :

  • En Chine, les investissements publics couvrent environ 30 % des besoins financiers des startups cleantech, contre moins de 10 % en Europe.
  • Les États membres de l’UE consacrent collectivement moins de 5 milliards d’euros par an au soutien direct des VE, un montant jugé insuffisant pour répondre aux ambitions climatiques.

Cette absence de soutien systématique affaiblit les entreprises européennes face à la concurrence chinoise, qui bénéficie d’une coordination optimale entre acteurs publics et privés.

Les conséquences pour l’industrie automobile européenne

Le manque d’interventions audacieuses en Europe a des répercussions importantes sur l’industrie automobile, pilier économique de nombreux pays comme l’Allemagne, la France et l’Italie. En 2022, les ventes mondiales de VE ont atteint 10,5 millions d’unités, dont près de 6 millions produites en Chine. À titre de comparaison, les fabricants européens ont produit moins de 2 millions de véhicules électriques sur la même période.

Impacts économiques :

  • Emploi : Environ 14 millions de personnes en Europe dépendent directement ou indirectement de l’industrie automobile. La transition ratée pourrait entraîner des pertes d’emplois massives.
  • Commerce extérieur : L’UE risque de devenir importatrice nette de VE, aggravant son déficit commercial et diminuant sa souveraineté industrielle.

Pour contrer cette tendance, l’Europe doit mobiliser ses institutions financières, investir massivement dans la recherche et le développement, et adopter une politique industrielle proactive inspirée du modèle chinois.

Vers une stratégie industrielle coordonnée en Europe

Face à la domination croissante de la Chine, l’Europe doit repenser ses priorités et adopter une approche intégrée. Cela inclut :

  1. La mise en place de prêts verts à taux réduits pour stimuler l’innovation.
  2. Un plan d’infrastructure européen pour atteindre au moins 2 millions de bornes de recharge d’ici 2030.
  3. Un fonds d’investissement européen pour le cleantech, visant à mobiliser plus de 50 milliards d’euros sur cinq ans.

Ces mesures nécessitent une coordination étroite entre les États membres et des partenariats public-privé solides. Elles pourraient non seulement revitaliser l’industrie automobile européenne, mais également consolider la position de l’Europe dans la transition énergétique mondiale.

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